mardi 24 novembre 2009

« Tout, au monde, existe pour aboutir à un livre. »

Rêve, aveu, fiction, le projet de Mallarmé d'un livre qui serait à lui seul tous les livres, apparaît pour la première fois dans une lettre adressée à Verlaine. Livre absolu recouvrant le monde qu'il donne à lire à son lecteur, l'ampleur du projet amènera Mallarmé à en définir les principes et la forme, plutôt que de tenter en vain sa réalisation complète, comme acte de création et de résistance* au temps qui lui manque : «... je réussirai peut-être ; non pas à faire cet ouvrage dans son ensemble (il faudrait être je ne sais qui pour cela !) mais à en montrer un fragment d'exécuté, à en faire scintiller par une place l'authenticité glorieuse, en indiquant le reste tout entier auquel ne suffit pas une vie. Prouver par les portions faites que ce livre existe, et que j'ai connu ce que je n'aurai pu accomplir.» Définir les principes de l'œuvre, élaborer ou suggérer sa forme, cela nous permet de retrouver Œuvres, un livre d'Édouard Levé (éditions P.O.L.), qui « décrit des œuvres dont l'auteur a eu l'idée, mais qu'il n'a pas réalisées. » Les 532 œuvres de ce livre sont écrites pour exister sous forme textuelle et jouent sur le caractère fictif de toute œuvre.

*Gilles Deleuze, Qu'est-ce que l'acte de création ?, conférence donnée à la FEMIS, mars 1987