Première étape de notre réflexion sur la fiction, l'œuvre de Christian Boltanski. Depuis ses premiers travaux qui inaugurent un long questionnement sur le souvenir, la mémoire et le temps, Christian Boltanski interroge les liens qui existent entre l’histoire et la fiction, dans les glissements de l’histoire collective aux histoires individuelles, en ayant recours à des mises en œuvre empruntées au domaine de l’ethnologie ou de l’anthropologie : archives, inventaires et témoignages, documents d’histoire et menus objets, tout ce qui a valeur de preuve, ce qui fait trace. En 1969, son premier livre Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, qui est également un des tout premiers livres d’artistes français, témoigne de cette tentative de restitution d’une histoire individuelle sur le mode biographique, brouillant d’emblée les pistes en mêlant la réalité et la fiction. Le livre est composé de 9 pages et rassemble quelques souvenirs d'école comme nous en possédons tous, une photographie, un devoir de classe, qui attestent d'une histoire particulière mais évoquent tout autant l'enfance de chacun d'entre nous.
« Une grande partie de mon activité est liée à l’idée de biographie, mais une biographie totalement fausse et donnée comme fausse avec toutes sortes de fausses preuves. »
« Au début, je m’intéressais surtout à la propriété donnée à la photographie de fournir la preuve du réel : un spectacle photographié est ressenti comme vrai ; les photographies me servaient alors de preuve de l’existence du personnage mythique que j’avais créé, Christian Boltanski. (…) Dans le premier petit livre, Tout ce qui reste de mon enfance de 1969, la photographie apporte la preuve apparente que je suis allé en vacances à la mer avec mes parents, mais c’est une photographie non identifiable d’un enfant et d’un groupe d’adultes sur une plage. On peut y voir la photographie du lit où je dormais à cinq ans; naturellement la légende oriente le spectateur mais les documents sont volontairement faux. De même, dans Reconstitution d’un accident qui ne m’est pas encore arrivé et où j’ai trouvé la mort, de 1969, la photographie fournit la preuve, au sens policier, d’un accident de bicyclette qui ne m’est jamais arrivé. »
Les vitrines de références : référence directe à la vitrine du musée, les objets sont exposés comme des pièces archéologiques. Boltanski applique à sa propre vie le processus de conservation et de documentation, mais aussi à la vie de personnes anonymes, dont il rassemble des objets leur ayant appartenus pour raconter l’histoire. La fiction est sans cesse confrontée à la réalité : qu’est ce qui est vrai, qu’est ce qui est faux, au regard de ces échantillons collectés pour retracer une vie humaine ?
Les saynettes comiques
« Je crois qu’il est très difficile de départager le vrai du faux. (...) Dans la plupart de mes pièces photographiques, j’ai utilisé cette propriété de preuve que l’on donne à la photographie, pour la détourner ou pour essayer de montrer que la photographie ment, qu’elle ne dit pas la réalité mais des codes culturels. (...) Dans les saynettes comiques, les photographies mentent car un personnage grimé joue devant un décor peint une scène confirmée par la légende de l’image. Les images des saynettes étaient doublement fausses car elles renvoyaient à un spectacle qu’un fantaisiste fictif aurait joué. »
Delphine renard, Entretien avec Christian Boltanski, Boltanski, Centre Georges Pompidou, 1984
Saynettes comiques, 1974, L'anniversaire
Je suis content, c'est mon anniversaire//Ma mère chante Joyeux Anniversaire//Mon père me sourit// Je souffle les bougies