jeudi 20 janvier 2011

Un spécialiste des Lumières et de la publication électronique venu de Princeton

Spécialiste du siècle des Lumières, Robert Darnton est considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands spécialistes de l'histoire du livre. Directeur de la bibliothèque de Harvard depuis 2007 après avoir créé à l'université de Princeton le Centre pour l'étude du livre et des médias, l'historien américain est à l'honneur en ce début d'année 2011. La publication de son livre Apologie du livre, Demain, aujourd'hui, hier aux éditions Gallimard ravive le débat sur le livre et sa version numérique. Au cœur de la question, la disparition du livre au profit du tout numérique et les enjeux de la conservation contemporaine dans ces lieux dédiés aux livres que sont les bibliothèques. Si le livre numérique progresse, il ne chasse pas pour autant le livre imprimé, il semblerait même que cela soit le contraire : la lecture électronique renforce le désir pour le livre, un objet vivant, disponible, qui a aussi la capacité de circuler et que l'on emporte avec soi. Donc pas de rivalité mais des qualités différenciées d'accessibilité, de lisibilité et... de conservation. Selon Darnton, « Les bibliothèques sont l'avenir du livre*», car comment conserver aussi aujourd'hui et sur quels supports, la mémoire de documents nés directement sous forme électronique si ce n'est à travers le projet d'une bibliothèque d'Alexandrie moderne, numérique et « accessible gratuitement à tous*»? Alors, Internet pourrait bien réaliser le mythe de la Bibliothèque de Babel, rêvé par Borges...
*« Les bibliothèques sont l'avenir du livre », Propos recueillis par Annick Cojean, Le Monde Magazine, 15 janvier 2011

mardi 18 janvier 2011

L'exercice du voyage

Sous ce titre emprunté à un article du Hors-Série Claude Lévi-Strauss, L'esprit des mythes (Le Monde), nous reproduisons ici pour Camille un court extrait de Tristes tropiques (1955), en mémoire d'une récente discussion sur son travail.
« On conçoit généralement les voyages comme un déplacement dans l'espace. C'est peu. Un voyage s'inscrit simultanément dans l'espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale. Chaque impression n'est définissable qu'en la rapprochant solidairement à ces trois axes, et comme l'espace possède à lui seul trois dimensions, il en faudrait au moins cinq pour se faire du voyage une représentation adéquate. Je l'éprouve tout de suite en débarquant au Brésil. Sans doute suis-je de l'autre côté de l'Atlantique et de l'Équateur, et tout près du tropique. Bien des choses me l'attestent : cette chaleur tranquille et humide qui affranchit mon corps de l'habituel poids de la laine et supprime l'opposition (que je découvre rétrospectivement comme une des constantes de ma civilisation) entre la maison et la rue ; d'ailleurs j'apprendrai vite que c'est seulement pour en introduire une autre, entre l'homme et la brousse, que mes paysages intégralement humanisés ne comportaient pas ; il y a aussi les palmiers, des fleurs nouvelles, et, à la devanture des cafés, ces amas de noix de coco vertes où l'on aspire, après les avoir décapitées, une eau sucrée et fraîche qui sent la cave. »

Deux ou trois récits de voyages selon Camille

dimanche 16 janvier 2011

Faisons le point sur les travaux

Les travaux des étudiants progressent, ils prennent toutes les formes et seront grands, petits, brochés, dos carré-collé... Faisons le point sur quelques uns d'entre eux.


Célia Portet :

Théâtre du vivant et du monde qui m’entoure, mon travail met en scène sur papier des fragments de cruauté sublimée, des entités contraires qui s’affrontent dans un cycle infernal. Le texte de Shakespeare, Hamlet, sert de base à l’expression d’une tension.

J'ai ainsi travaillé sur les plis propres au livre, en les envisageant comme démarcation entre deux mondes. Ils coupent les dessins en deux et cassent la linéarité de l’ensemble des pages. Les images deviennent des fragments.


Clémence Pensec :

j’ai choisi de me concentrer sur une personne, Titus. Il est Kenyan et je le connais peu. Je sais simplement qu’il a beaucoup de rêves et qu’à ses yeux ce sont de futures réalités. Il se présente comme étant poète. Si au départ je souhaitais questionner le portrait, il m'apparait maintenant que mon travail évolue plutôt vers la question de la réminiscence, de l’obsession et de l’exploitation des libertés plastiques rendues possibles par le travail d’après mémoire.

J’ai choisi de réunir les fruits de mes différentes phases de travail dans trois codex distincts: l’un se concentre sur ce que Titus a voulu me transmettre de lui, le second contient une seule image qui semble de plus en plus fonctionner indépendamment et le troisième concerne ma vision personnelle de Titus liée à un texte de sa plume et à un texte de référence sur le visage que je n’ai pas encore déterminé.

Les trois livres seront de formats identiques proches du A4, mais de nombreux aspects de leur mise en forme restent à préciser à ce jour.


Victoria Lacombe :

À partir du principe du Cabinet de curiosité, soit un lieu où sont exposés des objets de collection, je cherche à présenter des êtres hybrides et monstrueux reflétant une angoisse inhibée, un souvenir enfoui et vaporeux.

On se trouve alors face à d'étranges portraits, sortes d’ombres et de silhouettes impossibles à approcher. Ils apparaissent légèrement et se trouvent dans un environnement fantastique, organisé en une série d’images composées d’être intangibles faisant appel au souvenir et à l’imaginaire, et à l'écho des êtres cauchemardesques qui nous faisaient si peur quand nous étions enfant. Pour eux j'ai inventé un univers du quotidien qui réponde à leur monde chimérique en les mettant en scène dans un instant volé.

Là, ces chimères prennent une forme « réelle » et s’exhibent à la lumière du jour en se laissant observer et étudier dans leur environnement. On se positionne alors en tant qu’observateur-voyeur face à ce théâtre de curiosité qui s’offre à nous, maintenant adultes, friands de l’observation et détachés (?) de ces souvenirs effrayants.

Le support livre nous soutient dans cette observation et nous permet de matérialiser ce cabinet de curiosité. On l’ouvre pour découvrir ce qu’il contient, soit ces étrangetés qui ont été saisies et donnent l’impression de pouvoir se déplacer à tout instant pour aller d’un endroit à l’autre.


Camille Gadmer :

Je travaille sur la retranscription graphique des souvenirs de voyages d'écrivains voyageurs.

Je m'insère dans leur vécu à travers mes illustrations ; je transcende ainsi mon morne quotidien en faisant miennes leurs aventures. Je travaille aussi sur la notion de concommitance des temps à travers la planète.

Pour Laurène Girbal, Penser l'image, suite

« L'expérience médiale que nous faisons avec les images (l'expérience que les images utilisent un medium) est fondée dans la conscience que nous utilisons notre propre corps comme medium pour engendrer des images intérieures ou pour recevoir des images extérieures: des images qui naissent dans notre corps, à l'instar des images de rêves, mais que nous percevons comme si elles n'utilisaient notre corps qu'à titre de medium-hôte. » Hans Belting, Bild-Anthropologie, cité par le philosophe Jean-Luc Nancy en introduction à son texte L'image: mimesis & methexis, in Penser l'image.

vendredi 14 janvier 2011

Dans de beaux livres

Les presses du réel (www.lespressesdureel.com/home.php) nous livrent coup sur coup dans la nouvelle collection « Perception » dirigée par Xavier Douroux, deux ouvrages qui nous intéressent au premier plan, Ouvrir le document, Enjeux et pratiques de la documentation dans les arts visuels contemporains, sous la direction d'Anne Bénichou et Penser l'image, sous la direction d'Emmanuel Alloa que nous avons déjà cité.
Le premier fait appel à un sujet souvent évoqué dans l'atelier, renvoyant à la documentation comme pratique artistique et regroupe un ensemble de textes de philosophes, historiens de l'art, conservateurs ou encore restaurateurs. Citons respectivement pour chacun des chapitres quelques questionnements abordés:
I / Entre documentation et création
- Anne Mœglin Delcroix: L'artiste en archiviste dans le livre d'artiste -les termes d'un paradoxe)
II / Médiations
- Bertrand Gauguet: Sur quelques problématiques du document dans les pratiques artistiques sur Internet
III / Raconter des histoires de l'art
- Bertrand Clavez: Du dédale au réseau, les impasses communicantes de l'historiographie de Fluxus
IV / Les scripts de l'œuvre
- Nathalie Leleu: Le Musée 2.0 : le dossier d'œuvre électronique
Le second est une anthologie de textes de philosophes et historiens de l'art comme Marie-Josée Mondzain, Hans Belting, George Didi-Huberman, Jean-Luc Nancy... Il faut tout lire, mais citons pour faire écho à nos problématiques l'étude de Horst Bredekamp, La «main pensante». L'image dans les sciences, qui rappelle la pratique du dessin en tant que «matrice des idées», s'appuyant sur les exemples des dessins de relevés des phases lunaires de Galilée et les croquis de Liebniz sur le nœud, avec lesquels il développe sa théorie sur la connaissance et sa conception du reploiement perpétuel du cosmos: « En nommant les brides du nœud des « plis », Leibniz fait intervenir un des concepts centraux de sa cosmologie. L'univers est pensé par Leibniz comme une machine à plis qui se replie et se différencie infiniment en soi-même. » Référence directe également pour nous au sein de l'atelier à l'ouvrage de Gilles Deleuze, Le pli, Leibniz et le baroque.
En résumé, deux livres à lire absolument en attendant les deux prochaines rencontres à l'atelier le 21 et le 28 janvier, où il sera question d'édition en général et de l'édition des travaux de l'atelier en particulier, avec Olivier Morvan (L'artiste et l'auto édition) et Alain Bourgogne, directeur de l'Imprimerie municipale.

jeudi 13 janvier 2011

Penser l'image...

Les premières pages du récent ouvrage Penser l'image (Les presses du réel, juillet 2010) s'ouvrent sur un texte d'Emmanuel Alloa intitulé Entre transparence et opacité - ce que l'image donne à penser, un titre qui nous rappelle le pouvoir imageant de l'image, offrant tout autant à voir ce qu'elle nous montre que ce qu'elle nous cache. De «l'image pensive», selon la formule de Roland Barthes en référence à ce temps de réflexion dans laquelle elle nous absorbe, à «l'image dormante», en repli d'elle-même.
Transparent et opaque aussi, le corpus de dessins et d'images que poursuit Coralie Legall au sein de l'atelier répond à la même invitation. Ci-dessous Visage lunaire et Baie-tondue:béton-dur, extraits de ses derniers travaux.